Table ronde 2010 à Bruxelles

L’ARTISTE PLASTICIEN FACE AUX SITUATIONS SOCIALES ET FISCALES EN BELGIQUE

 

Compte rendu de la table ronde organisée par le CNAP-AIAP/UNESCO - Belgique, le 19 novembre 2010 à la Maison Pelgrims (Saint-Gilles – Bruxelles)

Cette importante table ronde fut assurée par les interventions de :

• Monsieur Francis DESIDERIO (Introduction), Président du Conseil National des Arts Plastiques (CNAP-AIAP/UNESCO) ;

• Madame Marie-Magdeleine de MEEÛS (Modératrice), Experte dans les matières du non-marchand ;

• Monsieur Pierre JEANRAY, Avocat spécialisé en droit juridique et fiscal de l’artiste plasticien ;

• Monsieur Jean-Ferdinand PUYRAIMOND, Avocat spécialisé en droit de propriété intellectuelle et des nouvelles technologies ;

• Monsieur Philippe LEERSCHOOL, Expert comptable.

Les participants ont été accueillis par Monsieur Thierry VAN CAMPENHOUT, conseiller communal et de l’Action Sociale (CPAS) de Saint-Gilles, ainsi que directeur du Centre Culturel Jacques Franck. En guise de prologue, il a évoqué le soutien apporté par la commune de Saint-Gilles en matière de politique culturelle. Il a ensuite souligné les avancées dans le domaine du statut de l’artiste mais également les problèmes qui persistent toujours notamment au niveau de la rémunération et des inégalités engendrées par les différents statuts entre les artistes plasticiens.

Suite à l’intervention de Thierry VAN CAMPENHOUT, Monsieur Francis DESIDERIO a rappelé, en premier lieu, le thème de la table ronde : « L’artiste plasticien face aux situations sociales et fiscales en Belgique ». Il a ensuite adressé ses plus vifs remerciements au Service des Arts Plastiques de la Communauté française pour leur soutien, ainsi qu’à l’Echevinat de la Culture de Saint-Gilles pour la mise à disposition gracieuse de cette salle de conférence. Les remerciements qui s’en suivirent étaient destinés aux différents intervenants pour leur présence et leur participation active à cette manifestation.

"Un artiste peut être solitaire et solidaire, il peut conduire son travail dans la solitude de l’atelier et participer, dans la cité, aux relations professionnelles et à la vie des arts de son temps." (Albert CAMUS).

En lien avec cette citation, l’objectif de cette table ronde était de répondre aux questions et de conseiller l’artiste au mieux dans sa vie professionnelle. Francis DESIDERIO a insisté sur la visibilité acquise par le CNAP, ainsi que la volonté de s’inscrire dans une action de revalorisation du secteur des arts plastiques et visuels, en Belgique et à travers le monde. Il a également énuméré les divers services mis en place par l’association, à savoir les aides juridiques et comptables offertes aux membres, ou encore la gratuité d’accès aux musées nationaux et internationaux qui leur est accordée.

Le Conseil National (CNAP-AIAP/UNESCO) participe à l’amélioration de la condition de l’artiste, en vue d’une meilleure solidarité professionnelle et citoyenne. Parallèlement, l’association œuvre pour une fortification des liens avec les différentes régions de Belgique et les structures représentatives de l’association internationale (AIAP). La volonté de l’association est de porter haut et fort la parole collective des artistes et de lui rendre la place qui lui revient au sein des institutions culturelles officielles, mais également sur le marché de l’art.

Le CNAP contribue à l’amélioration de la condition de l’artiste, en favorisant une meilleure solidarité professionnelle et citoyenne ainsi que la libre circulation des œuvres dans le monde. Parallèlement, l’association œuvre pour une fortification des liens avec les différentes régions de Belgique et les structures représentatives de l’association internationale (AIAP). La volonté de l’association est de porter haut et fort la parole collective des artistes et de lui rendre la place qui lui revient au sein des institutions culturelles officielles, mais également sur le marché de l’art.

Avant de passer la parole à Madame Marie-Magdeleine de MEEÛS, Francis Desiderio a rappelé que le CNAP dispose à présent de deux bureaux : l’un à Liège (9 Quai de Maestricht, à côté du Musée Grand Curtius) et l’autre à Bruxelles (63 Avenue des Nerviens, en face du Musée du Cinquantenaire). Pour conclure, il a informé les invités de la mise en ligne du site Internet www.artistescontemporains.be, mis gracieusement à la disposition des membres du CNAP. Cet outil permet aux artistes de se mettre en évidence en y publiant les photos de leurs œuvres et un aperçu de leurs parcours artistiques, ainsi qu’en y annonçant les différentes expositions auxquelles ils participeront.

Madame Marie-Magdeleine de MEEÛS, dans son rôle de modératrice, a en premier lieu, défini le déroulement de la table ronde. Elle précisa que les interventions des conférenciers devraient être brèves et précises afin de laisser la priorité aux questions/réponses entre les artistes et les experts. Marie-Magdeleine de MEEÛS a indiqué que les intervenants se tiendraient à la disposition des membres du CNAP après la table ronde pour répondre aux questions plus personnelles. Pour conclure, elle présenta les différents collaborateurs œuvrant au sein du Conseil National des Arts Plastiques.

La parole fut accordée au premier intervenant, Maître Pierre JEANRAY, Avocat spécialisé en droit juridique et fiscal de l’artiste plasticien. Il aborda le thème des :

"Aspects juridiques et légaux de l’activité professionnelle de l’artiste plasticien"

En qualité d’avocat, Maître Jeanray est consultant pour le Conseil National des Arts Plastiques et assure des consultations juridiques au profit des membres. Le but de son exposé était de répondre aux questions principales posées lors de ces consultations. L’interrogation la plus récurrente restant celle portant sur le statut professionnel de l’artiste plasticien et visuel.

Pour commencer, Maître Jeanray a établi la distinction entre le statut de travailleur salarié et le statut de travailleur indépendant. Selon ses termes, le salarié travaille sous contrat pour un patron qui lui donne des tâches à effectuer moyennant rémunération. Il incombe alors au patron de payer le salaire mais aussi des cotisations sociales à l’ONSS grâce auxquelles le travailleur se voit octroyer une protection sociale lui donnant droit notamment aux allocations de chômage.

Le statut d’indépendant est bien différent : le travailleur n’a pas de parton, il ne travaille pas sous contrat mais de manière autonome pour des clients ou des commanditaires. En terme de protection sociale, c’est au travailleur indépendant qu’il incombe de payer ses propres cotisations sociales pour avoir une protection qui sera moindre que la protection développée pour un salarié.

Maître JEANRAY pose alors la question : quel est le statut de l’artiste plasticien ? Traditionnellement, explique-t-il, l’artiste plasticien a toujours été considéré comme travailleur indépendant. Cependant, le 24 décembre 2002, une nouvelle loi concernant le statut des artistes est votée. Dans ses rapports à l’égard des commanditaires artistiques, l’artiste voit son statut assimilé à la sécurité sociale des travailleurs salariés dans la relation aux donneurs d’ordre. Cette loi oblige donc le donneur d’ordre ou le commanditaire à payer, en sus du prix de l’œuvre, les cotisations sociales de l’artiste comme si ce dernier était son employé. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi le 1 Juillet 2003, tous les artistes, y compris les plasticiens, sont présumés, du point de vue de la sécurité sociale, être dans une situation identique à celle des travailleurs salariés, à moins que l’artiste ne demande expressément d’être reconnu comme travailleur indépendant.

Selon Maître Jeanray, cette loi, appliquée aux artistes plasticiens, ne fonctionne pas. L’artiste plasticien reste donc un artiste indépendant avec toutes les difficultés que cela entraine. Par acquis de conscience, Maître JEANRAY a tout de même consulté différents acteurs impliqués dans la question du statut d’artiste afin d’avoir leurs avis sur cette loi du 24 décembre 2002. Il a alors rencontré les responsables de la SMART (association d’artistes servant d’intermédiaire entre les employés et les artistes) et du Ministère de l’emploi et du travail d’où émane cette loi. Les premiers ont affirmé que cette loi fonctionnait tout à fait. Les artistes plasticiens peuvent passer par la SMART et, de cette manière, les ventes sont converties en contrat de travail avec un paiement des cotisations sociales. Les artistes plasticiens bénéficieront alors des allocations de chômages s’ils se retrouvent sans travail.

Quant au Ministère du travail, il a été souligné qu’il existait une série d’artistes plasticiens travaillant dans le cadre d’ateliers, de bureaux de dessin ou autres, avec des horaires et des taches à effectuer dans les mêmes conditions que les employés. Cependant, les personnes qui emploient ces artistes refusent généralement de leur faire un contrat de travail sous prétexte qu’ils sont des artistes et que, traditionnellement, les artistes sont des travailleurs indépendants. Dans ce cas, la loi a le pouvoir d’empêcher le travail du "faux indépendant" et de contraindre ces ateliers ou bureaux de dessins à payer les charges sociales à l’ONSS. Selon Maître JEANRAY, ce sont deux raisons qui justifient cette loi même si elle n’est pas souvent adaptée aux artistes plasticiens (les statistiques montrent que les artistes plasticiens restent en majorité des travailleurs indépendants).

Enfin, au vu de ces difficultés, Maître Jeanray insista sur le fait que l’artiste plasticien ou visuel doit examiner s’il est réellement en état de déclarer une activité professionnelle effective (avec prestations régulières et rémunérations tout aussi régulières que celles-ci) et, dans ce cas, s’il n’est pas possible d’aménager le statut d’indépendant, par exemple, sous forme d’activité complémentaire par rapport à une activité principale. Une autre possibilité s’ouvre à eux depuis 2004, en l’occurrence le régime des petites indemnités. Ce système permet de se faire rémunérer en tant qu’artiste mais de façon limitée.

Pour poursuivre, Marie-Magdeleine de MEEÛS céda la parole à Maître Jean-Ferdinand PUYRAIMOND, Avocat spécialisé en droit de propriété intellectuelle et des nouvelles technologies. Il est intervenu sur le thème des :

"Aspects juridiques et légaux de l’artiste visuel face aux nouvelles technologies"

Maître PUYRAIMOND commença son intervention en faisant remarquer que peu d’artistes connaissent les conditions de protection de leurs œuvres. C’est pourquoi il a ensuite défini le droit d’auteur de manière générale : le droit d’auteur donne aux artistes le monopole sur la reproduction et sur la communication de leurs œuvres au public. Le droit d’auteur est automatique si l’œuvre est originale, c’est à dire, si elle révèle d’une manière ou d’une autre de la personnalité de l’artiste. Maître PUYRAIMOND attira l’attention sur le fait que, lorsque l’artiste cède une œuvre, il conserve ses droits d’auteur. Il précisa ensuite que les artistes peuvent s’inscrire dans une société de gestion des droits d’auteur pour faciliter l’exercice de leurs droits. Maître PUYRAIMOND a mis l’accent sur "les" droits d’auteurs qui se subdivisent en sous droits parmi lesquels on retrouve notamment le droit de suite qui assure à l’artiste qu’une fois son œuvre vendue, si par la suite elle fait l’objet d’une seconde (ou troisième…) vente, l’artiste touche un pourcentage sur le prix de revente de l’œuvre. Pour gérer ces transactions, il existe des sociétés de gestion comme la SABAM ou la SOFAM.

Maître PUYRAIMOND a ensuite évoqué l’utilisation des nouvelles technologies et les contraintes législatives inhérentes à la création d’un site Internet par les artistes, pour la promotion de leurs activités ou pour la vente de leurs œuvres. Si l’artiste n’utilise que ses œuvres, cela ne pose pas de problème; par contre, s’il utilise les œuvres d’autrui, il faut demander l’autorisation et payer des droits d’auteurs. Maître PUYRAIMOND attira également l’attention des artistes sur le droit à l’image (chaque personne a un droit à l’image), ainsi que le droit aux données personnelles. Il a insisté sur l’importance de la loi du 8 décembre 1992 concernant les données personnelles relatives à une personne physique (nom, âge, sexe, numéro de téléphone, etc.). Généralement, sur le site Internet, l’artiste fait une collecte de données pour informer les personnes de son activité. Dans ce cas, il lui faut faire une déclaration à la Commission de la Protection de la Vie privée. L’artiste qui publie ses œuvres peut également recourir à des moyens techniques pour empêcher leurs téléchargements.

Suite à l’intervention de Maître PUYRAIMOND, Madame de MEEÛS céda la parole au dernier intervenant, Monsieur Philippe LEERSCHOOL, Expert comptable. Il a traité le sujet de la :

"Déclaration fiscale de l’année"

Le premier point abordé par Monsieur LEERSCHOOL était l’obligation de se positionner devant la déclaration fiscale. L’artiste plasticien et visuel est obligé de choisir entre différents statuts. Il doit se définir devant trois catégories : les artistes hobbyistes, les semi-professionnels et les professionnels. Si l’activité artistique reste au niveau du hobby, il n’y a pas de déclaration à faire. En ce qui concerne l’artiste, la présomption est un contrat de travail, mais elle est très rarement appliquée. Dans la majorité des cas, l’artiste est toujours un travailleur indépendant et, en tant que tel, il sera affilié auprès d’une caisse de cotisation d’indépendants. Il pourra aisément trouver son indépendance socio-économique vis-à-vis d’un donneur d’ordre. Enfin, l’artiste sera assujetti à la TVA. Pour une œuvre originale, l’artiste a droit à un taux de TVA de 6%.

Monsieur LEERSCHOOL attire l’attention sur une autre possibilité, celle de la création d’une société. La réalisation d’œuvres monumentales entraîne des investissements importants avec un besoin de personnel, de sous-traitants et de matériaux. À partir de ce moment-là, l’artiste bénéficie de revenus comme dirigeant d’entreprise. En ce qui concerne la déclaration fiscale, le travailleur salarié remplit la première partie de la déclaration fiscale et quant au travailleur indépendant, il doit déclarer son chiffre d’affaire (sans compter les charges) dans la deuxième partie de la déclaration. Les charges peuvent être des charges immobilières, organisationnelles ou de transport et doivent être mises à jour de manière trimestrielle.

Monsieur LEERSCHOOL attira l’attention sur le régime des petites indemnités dont l’artiste peut bénéficier. Elles impliquent trois conditions : l’artiste doit posséder une carte d’artiste (elle n’existe pas encore mais est en cours d’élaboration depuis trois ans) ; le montant ne peut dépasser 112,44 euros par jour pour l’année 2009, par donneur d’ordre, avec un total de 2.248,78 euros par an pour l’année 2009 ; la troisième condition est l’interdiction d’être lié au donneur d’ordre par un contrat de travail ou un contrat d’entreprise. L’artiste ne peut bénéficier des 112,44 euros plus de trente jours par année civile et pas plus de sept jours consécutifs car, au-delà, les revenus sont taxables.

Suite au dernier exposé de Monsieur LEERSCHOOL, Madame de MEEÛS a invité les participants à poser leurs questions aux différents intervenants.

"Questions / réponses"

Est-ce que les lithographies ou les sérigraphies sont considérées comme des œuvres originales ?

Réponse de Monsieur LEERSCHOOL : dans le cadre d’une sérigraphie numérotée, si cette numérotation a été prévue à l’avance, on considère alors que c’est une œuvre originale.

Maître PUYRAIMOND précisa que les critères d’originalité ne désignent pas la même chose pour le droit d’auteur. Dans ce cadre, l’œuvre peut être lithographiée maintes fois, elle ne cessera pas d’être originale. En droit fiscal, l’originalité est remplie de manière différente. Pour bénéficier du taux avantageux (6%) lié à l'œuvre dite originale, l’artiste doit avoir produit une œuvre en nombre restreint.

Un artiste qui fonctionne avec le RPI (régime des petites indemnités) peut-il être bénévole (par exemple pour la croix rouge) ?

Monsieur LEERSCHOOL a répondu que, dans une toute autre activité, il n’y a aucune restriction. Le problème se pose lorsqu’on assiste à des cumuls de revenus (RPI et défraiement des bénévoles) dans la même activité.

Maître JEANRAY a rappelé que, sur le RPI, il n’y a pas de déclaration fiscale et sociale à remplir. L’artiste ne doit pas en tenir compte pour éventuellement payer des cotisations sociales d’indépendant. Le RPI échappe à la sphère fiscale et de cotisation sociale.

Lorsqu’on expose en Belgique ou à l’étranger dans un centre culturel ou une galerie, travaillons-nous dans le cadre d’un contrat de travail ?

Maître JEANRAY a pris la parole pour définir le contrat de galerie : c’est un contrat qui s’établit entre le galeriste et l’artiste et qui convient des modalités d’exposition des œuvres et de leurs ventes. Ce contrat contient aussi des closes concernant la prise en charge de frais. C’est donc un contrat d’ordre civil. Selon Maître JEANRAY, ce contrat ne peut être considéré comme un contrat de travail. Le contrat de galerie implique seulement que les œuvres de l’artiste seront bel et bien exposées. Si des revenus découlent de l’exposition, c’est-à-dire s’il y a des ventes, une partie de la somme revient à la galerie et le reste à l’artiste. Maître JEANRAY rappela que, si l’on s’en tient à la loi du 24 décembre 2002, un des tiers doit payer des cotisations sociales, mais lequel ? Le client, le galeriste ? Maître JEANRAY, ne pouvant répondre à cette question, en a déduit alors que, dans ce cas, la loi ne s’applique pas. Les revenus sont alors déclarés comme revenus d’indépendant.

Y a-t-il un plafond ?

Maître JEANRAY commença par préciser que, en-dessous d’un chiffre d’affaire de 5 580 euros, l’artiste n’est pas tenu de s’assujettir et peut opter pour le régime de la franchise TVA. Maître JEANRAY céda alors la parole à Monsieur LEERSCHOOL qui précisa que, d’un point de vue fiscal, lorsqu’un artiste travaille pour une galerie, il garde le statut d’indépendant et n’est pas tenu par un contrat de travail. En principe, l’artiste doit alors s’affilier en tant qu’indépendant, s’assujettir à la TVA et payer des lois sociales. En ce qui concerne l’activité d’indépendant, si, au cours de l’année précédente, le chiffre d’affaire de l’artiste n’a pas dépassé la somme de 5 580 euros, il peut opter pour le régime de la franchise, ce qui implique qu’il ne devra pas remplir de déclaration fiscale et donc qu’il ne devra pas compter de TVA à ses clients. Par contre, souligne Monsieur LEERSCHOOL, l’artiste sous franchise ne peut pas déduire de TVA sur ses achats (matériaux divers). Il attire alors l’attention sur le piège que ce changement de régime implique : l’artiste qui passe à la franchise devra rembourser partiellement la TVA des achats qu’il a effectué lorsqu’il était assujetti. Monsieur LEERSCHOOL évoqua alors à l’impôt sur les personnes physiques. Si l’artiste constate que ses revenus sont inférieurs à 2 300 euros, il peut passer dans le régime des petites indemnités. Dans ce cas, le galeriste doit également certifier que, en ce qui le concerne, l’artiste est dans le régime des petites indemnités.

Est-ce que cela est aussi valable pour une galerie étrangère (Paris par exemple) ?

Selon Maître JEANRAY, dans ce cas, un autre régime territorial s’applique. Monsieur LEERSCHOOL rappela que, d’un point de vue fiscal, le résident belge doit déclarer tous les revenus qu’il perçoit avec déduction des frais. Si le revenu a été taxé sous le régime français, celui-ci ne le sera pas en Belgique mais interviendra pour le calcul des impôts. C’est ce qu’on appelle : le principe de progressivité. Maître JEANRAY ajouta que, si l’artiste travaille régulièrement en France, le CNAP, étant en relation avec la maison des artistes à Paris, est en mesure de s’occuper également de ce genre de problème.

En réaction, Madame de MEEÛS posa une question à Maître PUYRAIMOND : Si j’organise une manifestation dans une galerie, et que je poste sur mon site web des photographies du public, que se passe t-il au niveau du droit à l’image ?

Maître PUYRAIMOND a répondu que, en théorie, la personne qui veut publier des photographies du public sur son site doit préalablement demander l’autorisation aux intéressés. Selon lui, au niveau de la vie privée, la législation belge est aberrante parce que trop sévère. Cependant, en pratique, la personne qui publie des photographies sur son site n’aura généralement pas de problème. Il conseille tout de même de faire une annonce générale comme cela a d’ailleurs été fait lors de cette table ronde.

Maître JEANRAY posa une question à Maître PUYRAIMOND : Est-ce que vous conseillez aux artistes plasticiens de s’inscrire dans une société de droit d’auteur ?

Maître PUYRAIMOND a répondu à cela par l’affirmative. Surtout en ce qui concerne le droit de suite, précisa-t-il. Cela permet aux artistes d’être directement avertis lors de la vente d’une de leurs œuvres. Les sociétés de droit d’auteur ont un système de contrôle des ventes assez performant. Sans cette aide, il leur est difficile, voire impossible, de surveiller le parcours de leurs œuvres.

Je suis professionnel, j’enseigne à l’Académie des Beaux-Arts. Cependant, lors des rares ventes de mes propres œuvres, je me retrouve plutôt dans la catégorie du hobby. Si, lors d’une exposition, mes revenus dépassent le RPI, sachant que je n’ai aucune intention de devenir indépendant, comment gérer mon statut ?

Maître JENRAY prend la parole et signale que, la première chose à répondre selon lui, est qu’il faut exposer ! L’artiste ne doit pas se retenir d’exposer ses œuvres. En étant professeur à mi-temps, la possibilité d’être indépendant complémentaire reste disponible, ainsi, les cotisations sociales sont fortement réduites. Il ajoute également que, pour qu’un revenu soit professionnel, il doit être régulier. Si les revenus sont vraiment exceptionnels, ils peuvent être repris comme revenus divers (taxables à 33 %). Si l’exposition reste exceptionnelle, les revenus peuvent même être élevés, cela ne pose pas de problème au niveau du statut. 

Monsieur LEERSCHOOL attira l’attention sur la notion de hobby : un professeur d’académie ne peut dire au contrôleur fiscal que son activité artistique est un hobby, étant donné que les deux domaines sont liés. Il approuve ensuite le conseil de Maître JEANRAY et pousse les artistes à exposer  et à trouver ensuite le système fiscal le plus intéressant. Soit le revenu se situe en-dessous de 2 300 euros (RPI), soit il est au dessus mais exceptionnel (revenus divers). En dehors de ces deux cas de figure, l’artiste prend le statut d’indépendant.

Que se passera-il lorsque je serai pensionné ?

Monsieur LEERSCHOOL répondit qu’il y a un revenu maximum de 18 000 euros que l’artiste pensionné peut percevoir en tant qu’indépendant. La pension n’empêche pas de rester dans le régime des petites indemnités. Si un artiste est pensionné, il peut continuer de vendre ses œuvres sans risquer de perdre sa pension. Dans le cadre d’une pratique artistique, l’artiste doit simplement déclarer son activité à l’office national des pensions. Il peut alors continuer à vendre car c’est un artiste avec une activité qui lui est propre, il ne prend pas le travail de quelqu’un d’autre.

Est-ce que l’artiste peut subir un droit de rétention d’une de ces œuvres, son outil de travail, lors d’un conflit avec un galeriste ou un transporteur ?

Maître PUYRAIMOND a répondu à cela par l’affirmative car ce droit s’applique à n’importe quel objet, dans le cas, par exemple, d’un artiste qui ne paye pas son galeriste. Cependant, ce droit de rétention ne peut pas s’appliquer n’importe comment. Maître PUYRAIMOND rappela qu’il faut être vigilant car certaines sociétés peuvent tirer profit des méconnaissances des artistes quant aux lois. Il conseille aux artistes de lire attentivement les contrats avant de les signer. Maître JEANRAY ajouta que le droit de rétention doit toujours s’appliquer sous contrôle d’un juge.

Si un artiste vend une sculpture bleue, que 5 ans plus tard il se dit qu’elle serait mieux rouge, peut-il la repeindre sans le consentement de l’acheteur ?

Maître PUYRAIMOND précisa que ce cas ne fait pas partie du droit de suite, mais des droits moraux et, plus précisément, du droit à l’intégrité. C’est un droit qui n’est pas patrimonial, il ne peut être vendu. Il permet d’assurer que l’œuvre ne soit pas dénaturée. Cependant, lorsque l’artiste a vendu son œuvre, il ne peut plus la modifier. En France, il existe un droit de repentir, mais en Belgique, cette application n’existe pas. Par contre, si l’artiste n’a pas de copie de son œuvre, il peut demander au propriétaire un accès raisonnable à son œuvre pour en réaliser une copie. Monsieur LEERSCHOOL précisa qu’il ne faut pas confondre le revenu professionnel et le droit d’auteur, car le fait de vendre une œuvre ne relève pas du droit d’auteur. Maître PUYRAIMOND ajouta qu’il y a une différence entre la vente de l’œuvre et la vente du droit d’auteur. Si l’artiste vend une œuvre, il ne cède pas pour autant ses droits.

Si je cède mes droits à un client, je perds tous mes droits ?

Maître PUYRAIMOND répond que, si l’artiste cède ses droits d’auteur, il doit préciser pour quelle utilisation et quelle période, car il ne les cède pas de manière générale. Il peut préciser aussi le degré de cession et peut établir une licence non exclusive. Maître JEANRAY termina en soulignant que, si un artiste cède ses droits d’auteur, il ne cède jamais ses droits moraux.

Les séances se sont clôturées par un cocktail.

Table ronde de Bruxelles - compte-rendu (pdf à télécharger).

 

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